Nous
avons évoqué lors de notre conférence du 30 septembre, la nécessité d’éviter
toute forme d’agression physique pour favoriser un attachement sécure.
Le
10 octobre dernier, nous avons assisté avec beaucoup d’intérêt à la conférence
d’Olivier Maurel, sur le thème de la fessée et avons choisi de retranscrire ici
des arguments pour lutter contre quelques idées reçues…
Nous
vous rappelons qu’Olivier Maurel est Président de l'Observatoire de la violence
éducative ordinaire (www.oveo.org) et auteur
de plusieurs ouvrages sur les violences éducatives.
« Des
fessées, on en a tous reçu et ça ne nous a pas traumatisé » FAUX
Deux
conditionnements puissants sont à l’œuvre dans nos difficultés à renoncer à
toute forme de violence éducative et expliquent nos résistances.
Un
conditionnement culturel
Dans
notre inconscient, l’image de l’enfant est chargée négativement.
Depuis
5000 ans, dès les premières civilisations, on retrouve des proverbes de type
« il faut battre les enfants ». De nombreuses croyances indiquent que
l’homme nait tordu, qu’il faut le « redresser ».
Aujourd’hui,
la science donne une image bien différente de celle que l’on pouvait avoir
auparavant. De nombreux travaux scientifiques dont ceux de Félix Warneken nous
montrent que l’altruisme, le sens de l’entraide est déjà développé chez les
bébés. Vers 18 mois, un bébé est capable de venir en consoler un autre.
Un
conditionnement individuel
Il
est important de rappeler qu’une grande majorité _80 à 90%_ d’entre nous
(parents et grands parents d’aujourd’hui) a subi des violences éducatives.
Les
neurosciences ont mis en lumière la présence dans notre cerveau de neurones
miroir qui enregistrent ce que nous voyons et nous poussent à reproduire, ce
qui explique pourquoi pour certains parents, il est très difficile de ne pas
avoir recours à la fessée.
« Une
fessée de temps en temps, ça ne fait pas de mal » FAUX
"Quand on frappe les adultes, c'est une
agression.
Quand on frappe les animaux, c'est de la cruauté.
Quand on frappe les enfants, c'est pour leur bien".
La fessée est dommageable pour la
santé physique ET la santé psychique de l’enfant
Frapper
un enfant déclenche en lui un stress : en réponse à ce stress, se met en
place un système qui fait que son organisme se prépare à se défendre ou à fuir.
Comme
il ne peut ni fuir, ni se défendre, les hormones deviennent toxiques. Elles
attaquent le système digestif et les neurones et altèrent la mémoire.
La
nature désactive les fonctions qui ne sont pas indispensables : la
croissance, la digestion, le système immunitaire.
Si
les attaques sont fréquentes, il y a une mise en danger réelle de la santé de
l’enfant.
La fessée met à mal l’estime de soi de
l’enfant
L’enfant
de 2-3 ans, s’il est frappé se dit, « je suis mauvais ».
Être frappé, c’est toujours une humiliation.
L’enfant
la reçoit à plein, s’humilie lui-même, il perd l’estime de soi, indispensable à
une bonne santé mentale, ce qui augmente les risques de dépression.
La fessée diminue l’empathie
La
violence a des effets sur l’empathie. Quand on frappe beaucoup un enfant il se
blinde, quand on ne ressent plus ses
propres émotions, on ne ressent plus celles des autres.
C’est
pourtant grâce à l’empathie que nous pouvons stopper notre agressivité
naturelle.
La fessée rend servile
La
violence ne peut que perturber l’altruisme et engendrer la servilité, on se met
au service des autres parce qu’on a peur.
La fessée perturbe le sens moral de
l’enfant
Les
bébés ont très tôt le sens du bien et du mal. Quand on frappe un enfant et
qu’on lui dit « c’est pour ton bien », on vient perturber son sens
moral.
Ce
n’est qu’en 1996 qu’un psychologue américain à remarqué que le précepte
« Ne fais pas à autrui ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse » n’est pas appliqué aux enfants.
La
violence sur les enfants est encore extrême dans beaucoup de pays.
« Une bonne fessée, et il va
comprendre » FAUX
La première chose que l’on apprend à
un enfant en le frappant c’est à frapper
Lorsqu’il
reçoit une fessée, l’enfant apprend que l’on peut aimer ET frapper. Une partie
importante de la violence conjugale, prend sa source dans le mélange amour et
violence.
Le
risque est de ne plus faire la différence entre conflit et violence, cette
confusion est grave.
Les
conflits sont tout à fait normaux, la violence est anormale.
Quand
les enfants sont habitués très jeunes à la violence, les conflits entre adultes
sont nécessairement violents.
Comment éduquer son
enfant sans faire usage de violence ?
Se déconditionner, c’est la première chose à faire, ne
pas chercher à minimiser ce que l’on a subi. Quand on n’ose pas voir ce que
l’on a subi, il y a plus de risques que l’on reproduise.
Respirer profondément par le ventre :
On
détend le diaphragme, on se recentre sur soi même et on peut être plus à même
d’avoir la bonne attitude.
Devancer le réflexe (conditionnement) et retarder la
réaction
-Compter
jusqu’à 10 dans sa tête
-Sortir de la pièce
-Pratiquer le yoga
Nommer et accueillir les émotions
Les
enfants ont des émotions très fortes qui ne sont pas tournées contre nous.
Une
émotion doit être accueillie, la colère doit être accueillie, l’émotion est
légitime, pas la violence. On peut apprendre à l’enfant à nommer ses émotions.
Les
crises ne sont pas « pour » quelque chose mais « parce que »…
Chercher à comprendre ce qui se passe « qu’est ce qui
se passe entre mon enfant et moi ? » « Qu’est ce qui nous
arrive ? »
On
peut se dire : « si j’avais un conflit avec ma meilleure amie,
comment je parlerai ? »
On cherchera
alors à rendre le conflit constructif plutôt que de chercher à avoir raison.
De la nécessité d’une loi.
En
France, un enfant meurt de maltraitance tous les 2 jours.
Quand
nous levons la main, nous imitons nos ancêtres. Il faut qu’il y ait une loi
pour contrebalancer le poids des conditionnements.
Si
l’on prend l’exemple de la Suède au moment du vote en 1979, 70% des suédois
étaient contre, aujourd’hui, ils ne sont plus que 10%.
Lorsqu’on
éduque un enfant sans violence, on se retrouve isolé. Il est important de se
rapprocher d’autres parents partageant les mêmes convictions afin de créer un
renforcement positif et d’échanger sur les alternatives à la violence.
Pour aller plus loin, trois ouvrages
d’Olivier Maurel :
"La fessée, Questions sur la violence
éducative " (La Plage, 2004)
" Oui la nature humaine est bonne
!" (R Laffont, 2009)
"La Violence éducative, un trou
noir dans les sciences humaines" (L'Instant présent, 2012)